Image

Avantages conventionnels : extension du champ de la présomption de justification

Social - Fonction rh et grh, Contrat de travail et relations individuelles
10/06/2016
Les avantages conventionnels réservés à certaines fonctions au sein d’une même catégorie professionnelle sont présumés justifiés, indique la Cour de cassation, dans un arrêt du 8 juin

Par une série d’arrêts rendus le 27 janvier 2015, la Cour de cassation a introduit une présomption de justification des différences de traitement opérées par voie conventionnelle entre des salariés relevant de catégories professionnelles distinctes. C’est ainsi au salarié qui revendique une inégalité de traitement qu’il appartient de combattre cette présomption, en démontrant que l’avantage ne repose sur aucune considération professionnelle ( Cass. soc., 27 janvier 2015 nos 13-14.773 , 13-22.179 ; 13-25.437 ).

En reconnaissant, dans son arrêt du 8 juin, une légitimité de principe sein d’une même catégorie professionnelle, aux différences de traitement introduites entre des salariés exerçant des fonctions distinctes. la Haute juridiction renforce un peu plus la capacité de négociation des partenaires sociaux et réduit l’insécurité juridique qui pouvait résulter de l’appréciation divergente, par les juridictions du fond, de l’existence de raisons objectives et pertinentes justifiant l’avantage concédé à certains.

Indemnité de logement des chefs d’agence

L’affaire concernait notamment le chapitre v de la convention collective nationale du Crédit Agricole du 4 novembre 1987, prévoyant le versement de plein droit d’une indemnité de logement au profit des cadres occupant la fonction de chef d’agence. Des employés, mais également des cadres n’occupant pas cette fonction, ont invoqué une violation du principe d’égalité de traitement. Déboutés sur ce point tant en première instance qu’en appel, les salariés ont formé un pourvoi en cassation. Il revenait dès lors à la Haute juridiction de déterminer s’il y a lieu d’appliquer la présomption de justification issue des arrêts de 2015, au sein d’une même catégorie professionnelle. En cas de réponse positive, les salariés auront la lourde (et quasi vaine) tâche de faire tomber cette présomption en démontrant que la différence de traitement est étrangère à toute considération de nature professionnelle (conformément à la jurisprudence du 27 janvier 2015). À l’inverse, en cas de réponse négative, la charge de la preuve reposera sur l’employeur, lequel ne pourra échapper au paiement de l’indemnité qu’en démontrant que la différence de traitement repose sur des raisons objectives et pertinentes, tenant à la spécificité de la situation des chefs d’agence (conformément à la jurisprudence du 8 juin 2011, n° 10-14.725 ). La Cour de cassation a tranché en faveur de l’extension de la présomption.

Présomption de légitimité

L’arrêt du 8 juin 2016 complète ainsi la rédaction de l’attendu du 27 janvier 2015, précisant ainsi que « les différences de traitement entre catégories professionnelles ou entre des salariés exerçant, au sein d’une même catégorie professionnelle, des fonctions distinctes, opérées par voie de convention ou d’accord collectifs, négociés et signés par les organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l’habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées, de sorte qu’il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu’elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle ».

En l’espèce, il résultait des constatations de la cour d’appel que l’indemnité de logement des chefs d’agence n’était pas étrangère à des considérations professionnelles, compte tenu des contraintes inhérentes à cette fonction en matière de mobilité et de disponibilité. Les salariés ont donc été déboutés.
Contrairement à la solution retenue par la Cour d’appel de Paris dans une autre affaire (v. CA Paris, 15 octobre 2015, n° 13/06689), l’employeur n’a donc pas à justifier la distinction opérée par voie conventionnelle entre des salariés exerçant des fonctions distinctes et relevant de la même catégorie professionnelle.

Source : Actualités du droit