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Cour de cassation : quels inédits retenir cette semaine ?

Social - Contrat de travail et relations individuelles
23/10/2020
Les arrêts de la Chambre sociale de la Cour de cassation à retenir parmi les non publiés du fonds de concours de la semaine du 19 octobre 2020.
 
Licenciement intervenu en raison d'une action en justice introduite ou susceptible d'être introduite par le salarié à l'encontre de son employeur
Le licenciement intervenu en raison d'une action en justice introduite ou susceptible d'être introduite par le salarié à l'encontre de son employeur est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale constitutionnellement garantie. Le salarié qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction de l'entreprise et sa réintégration, sans déduction des éventuels revenus de remplacement dont il a pu bénéficier pendant cette période.
La cour d'appel, après avoir relevé qu'en licenciant le salarié pour avoir engagé une action judiciaire à son encontre, l'employeur avait porté atteinte à l'exercice d'une liberté fondamentale et que le caractère illicite du motif du licenciement prononcé, même en partie, en raison de l'exercice du droit d'agir en justice, entraînait à lui seul la nullité du licenciement, a énoncé que l'employeur devait indemniser le salarié à hauteur des salaires perdus depuis l'engagement de la procédure jusqu'en septembre 2018 sans qu'il y ait lieu de déduire les revenus de remplacement et les autres revenus de la période incriminée. Cass. soc., 14 oct. 2020, n° 18-24.209 F-D
 
Il entre dans les attributions du président d'une association, sauf disposition statutaire attribuant cette compétence à un autre organe, de mettre en oeuvre la procédure de licenciement d'un salarié. Cass. soc., 14 oct. 2020, n° 19-18.574 F-D

 
La décision du juge-commissaire d’ordonner la cession d’éléments d’actif n’est pas de nature à faire échec à l’application de l’article L. 1224-1 du Code du travail
La décision du juge-commissaire d’ordonner la cession d’éléments d’actif en application des dispositions des articles L. 642-18 et L. 642-19 du Code de commerce n’est pas de nature à faire échec à l’application de l’article L. 1224-1 du Code du travail.
Pour rejeter les demandes du salarié, l’arrêt retient que la société X a acquis les actifs mobiliers et immobiliers et quatre autorisations de mise sur le marché de la société Y dans le cadre des articles L. 642-18 et L. 642-19 du Code de commerce qui prévoient la cession d’actifs isolés et non dans celui des articles L. 642-1 et L. 642-2 du même code qui prévoient la cession de l’entreprise, alors que l'activité de la société Y avait cessé et que le contrat de travail du salarié n'était plus en cours. Il en conclut que le transfert de patrimoine n'étant pas consécutif à un plan de cession prononcé dans le cadre d'une liquidation judiciaire, aucun transfert d'une entité économique autonome qui conserve son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise n'a été réalisé. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé l’article L. 1224-1 du Code du travail. Cass. soc., 14 oct. 2020, n° 18-24.311 F-D
 
Les créances résultant de la rupture du contrat de travail visées par l'article L. 3253-8, 2°, du Code du travail, s'entendent d'une rupture à l'initiative de l'administrateur judiciaire ou du mandataire liquidateur
Après avoir jugé que la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, les arrêts disent que l'AGS doit sa garantie pour les créances résultant de la rupture du contrat de travail fixées au passif de la liquidation judiciaire si la trésorerie de l'employeur n'y suffit pas, dans les limites et selon les plafonds prévus par les règlements et par la loi. 4 883 8. En statuant ainsi, alors qu’elle relevait que les salariés avaient pris acte de la rupture de leur contrat de travail postérieurement à l’ouverture de la procédure collective, la cour d’appel a violé l'article L. 3253-8 du Code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016. Cass. soc., 14 oct. 2020, n° 18-26.019 F-D

La lettre de licenciement fixe les limites du litige et que les juges sont tenus d'examiner l'ensemble des griefs qui y sont énoncés
Pour juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la société au paiement de diverses sommes, l'arrêt retient que l’employeur reproche au salarié une mauvaise exécution de sa prestation de travail mais ne soutient pas que les erreurs et manquements dénoncés seraient dus à une volonté de mal faire, à défaut de justifier des différentes relances dont il fait état. Il en conclut qu’en sanctionnant l’insuffisance professionnelle du salarié par un licenciement disciplinaire, l’employeur a procédé à un licenciement sans cause réelle et sérieuse. En se déterminant ainsi, sans se prononcer sur les griefs imputés au salarié dans la lettre de licenciement consistant en des retards lors des 4 884 prises de poste, en l’absence de respect des horaires de travail et en des négligences dans le nettoyage de son secteur alors qu’il avait déjà été sanctionné pour des faits similaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale. Cass. soc., 14 oct. 2020, n° 19-10.266 F-D

Les heures de délégation sont payées comme temps de travail
Lorsqu'elles sont prises en dehors de l'horaire de travail en raison des nécessités du mandat, ces heures doivent être payées comme heures supplémentaires.
Pour débouter l'employeur de sa demande de remboursement des sommes correspondant aux heures de délégation prises par le salarié en dehors du temps de travail, la cour d'appel a retenu que l'employeur sollicite le remboursement de la totalité des sommes versées au titre des heures de délégation effectuées les dimanches et jours fériés pour la période du 3 février 2013 au 15 octobre 2015 alors qu'il ne conteste pas que le salarié a effectivement consacré ces heures à l'exercice de son mandat, qu'il ne démontre pas que le salarié pouvait exercer son mandat sur son temps de travail sans perturber le fonctionnement de l'entreprise et qu'il n'opère aucune distinction entre les heures qui étaient justifiées et celles qu'il estime contestables. À tort. En statuant ainsi, alors qu'il appartenait au salarié de justifier que la prise d'heures de délégation les dimanches et jours fériés, en dehors de son horaire de travail, était justifiée par les nécessités de ses mandats, la cour d'appel, a violé les articles L. 2325-7 et L. 4614-6 du Code du travail alors applicables. Cass. soc., 14 oct. 2020, n° 18-24.049 F-D

Discrimination en raison du sexe : la différence de traitement constatée était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination
La cour d'appel, ayant relevé que les hôtesses de table travaillaient deux heures de plus que les trancheurs pour un même salaire, une même classification au niveau II échelon 2 et qu'en conséquence leur taux horaire était en réalité moins favorable, faisant ainsi ressortir l'existence d'une différence de traitement entre des salariés se trouvant dans une situation comparable, a constaté que l'employeur démontrait que cette inégalité était justifiée par des raisons objectives liées aux tâches réalisées par les trancheurs, consistant à apporter une pièce entière de viande, embrochée, pesant plusieurs kilos et à la trancher directement dans l'assiette des clients, et impliquant une charge physique supplémentaire et une expérience incontestable.
La cour d'appel, qui en a déduit que l'employeur rapportait la preuve que la différence de traitement constatée était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, a, sans avoir à procéder aux recherches invoquées par le moyen pris en ses première à troisième branches, que ses constatations rendaient inopérantes, et à celle invoquée par le moyen pris en sa quatrième branche, qui ne lui était pas demandée, légalement justifié sa décision. Cass. soc., 14 oct. 2020, n° 18-26.830 F-D
 
Pour se déclarer incompétent pour connaître en référé des demandes du salarié de condamnation de la société à le réaffecter au poste de responsable de service maintenance et à lui fournir un travail en lien avec ses fonctions ainsi qu’à lui payer une certaine somme à titre provisionnel, l’arrêt retient, après avoir relevé que le salarié avait refusé d’occuper le poste de technicien de maintenance informatique polyvalent, que pour que le trouble soit manifestement illicite, il convient de déterminer si le salarié a ou non donné son consentement préalable à l'exercice de fonctions différentes à la suite du transfert du service maintenance au sein de la société tierce et que cette analyse ne peut être effectuée par la formation de référé alors qu'il existe une contestation sérieuse sur ce point, étant relevé que celui-ci a attendu plusieurs mois avant de saisir la formation de référé ; que l'absence d'écrit quant à cet accord ne peut à lui seul établir son absence alors qu'aucun avenant écrit n'avait été régularisé lors de la promotion du salarié en qualité de responsable maintenance et que celui-ci ne peut soutenir qu'il a découvert en août 2016, le transfert du service de maintenance alors qu'il indique lui-même dans un courrier en date du 8 août 2017 qu'il en a été avisé en juin 2016.
Cependant, d’une part, la modification du contrat de travail d'un salarié imposée sans son accord est de nature à caractériser un trouble manifestement illicite. D’autre part, l'acceptation de la modification du contrat de travail ne peut résulter que d'une manifestation claire et non équivoque de volonté et ne peut se déduire d'un acquiescement implicite. Cass. soc., 14 oct. 2020, n° 19-14.182 F-D

 
Le défaut de paiement, par l'employeur, d'heures complémentaires correspondant à des heures de délégation peut constituer un élément de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination syndicale
Pour débouter la salariée de ses demandes fondées sur une discrimination syndicale, l'arrêt retient que la matérialité de faits précis et concordants laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte n'est pas démontrée et, notamment, que le conflit relatif au non-paiement des heures de délégation accomplies en sa qualité de déléguée du personnel n'est, à défaut d'éléments sur la situation d'autres représentants du personnel, aucunement significatif d'indice d'une différence de traitement. En se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le défaut de paiement, par l'employeur, d'heures complémentaires correspondant à des heures de délégation ne constituait pas un élément de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination syndicale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision. Cass. soc., 14 oct. 2020, n° 19-15.825 F-D
 
La cour d'appel, ayant constaté que les faits allégués de harcèlement sexuel par un autre salarié de l'entreprise auraient été commis en dehors de l'entreprise et du temps de travail et que la salariée n'en avait pas informé l'employeur, en a déduit à bon droit que ce dernier n'avait pas à mettre en oeuvre l'obligation de prévention résultant de l'article L. 1153-5 du Code du travail. Cass. soc., 14 oct. 2020, n° 19-13.168 F-D

 
Désignation d’un délégué syndical : un accord collectif peut prévoir un périmètre distinct de celui par le Code du travail
Aux termes de l'article L. 2143-3 du Code du travail, la désignation d'un délégué syndical peut intervenir lorsque l'effectif d'au moins cinquante salariés a été atteint pendant douze mois, consécutifs ou non, au cours des trois années précédentes, au sein de l'établissement regroupant des salariés placés sous la direction d'un représentant de l'employeur et constituant une communauté de travail ayant des intérêts propres, susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques. Aux termes de l’article L. 2141-10 du même code, une convention ou un accord collectif peut prévoir un périmètre pour la désignation du délégué syndical distinct de celui défini par les dispositions du Code du travail.
Pour annuler la désignation d’un délégué syndical, le tribunal d’instance a retenu que la désignation d’un représentant syndical était subordonnée à la condition que l’établissement, répondant à la définition de l’établissement distinct, compte un effectif supérieur à cinquante salariés sur 12 mois consécutifs, sauf accord d’entreprise entendant expressément déroger à cette condition d’effectif, et que l’établissement comptait moins de cinquante salariés.
En statuant ainsi, alors qu’il avait constaté que par deux accords relatifs, pour le premier au périmètre et à la mise en place d’un comité social et économique central et de comités sociaux et économiques d’établissement et pour le second au fonctionnement du comité social et économique central et des comités socio-économiques d’établissement, l’employeur et les partenaires sociaux avaient prévu la mise en place de quinze établissements distincts correspondant aux nouvelles régions administratives, dont certains avaient selon l’annexe du premier accord un effectif inférieur à cinquante salariés, parmi lesquels l’établissement de la
Réunion, ce qui impliquait nécessairement la présence d'un représentant de l'employeur doté de pouvoirs de direction et une communauté de travail ayant des intérêts propres susceptibles de générer des revendications communes et spécifiques, le tribunal d’instance a violé les textes susvisés. Cass. soc., 14 oct. 2020, n° 19-23.326 F-D
 
Source : Actualités du droit