Messagerie professionnelle, ordinateur professionnel et protection des conversations privées

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Un motif tiré de la vie personnelle d'un salarié ne peut pas fonder un licenciement disciplinaire sauf s'il constitue un manquement à une obligation découlant du contrat de travail.

Le 22 décembre 2023, l'assemblée plénière de la Cour de cassation a jugé qu'un salarié ne pouvait pas être licencié pour faute au motif qu'il avait tenu des propos dénigrants dans le cadre d'une conversation privée avec un de ses collègues au moyen de son compte Facebook personnel installé sur son ordinateur professionnel, la conversation litigieuse n'étant pas destinée à être rendue publique et ne constituant pas un manquement à ses obligations professionnelles. Cass ass.plé 22 décembre 2023 n°21-11.330

Le 6 mars 2024, la chambre sociale de la Cour de cassation a suivi le même raisonnement : une salariée employée par la CPAM avait envoyé à des collègues au moyen de sa messagerie professionnelle sur les messageries professionnelles de ces derniers, des propos et images à caractère raciste ou xénophobe, certains de ces échanges portant la mention "personnel et confidentiel".

Licenciée pour faute grave, la salariée a contesté son licenciement. La Cour d'appel a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse, approuvée par la Cour de cassation.

La Cour d'appel a jugé que ces échanges relevaient de la vie personnelle.

La Cour de cassation adopte le raisonnement suivant : 

- Le salarié a le droit, même au temps et au lieu de travail au respect de l'intimité de sa vie privée : 

Sur ce point, la Cour a constaté que les échanges entre la salariée et ses collègues étaient des échanges privés, qu'ils avaient été envoyés à un nombre restreint de personnes et n'avaient pas vocation à devenir publics. En effet, l'employeur n'en avait eu connaissance qu'en raison d'un envoi involontaire par l'un de ses salariés.

La jurisprudence fait ainsi une distinction entre les propos tenus en public, à savoir accessibles au plus grand nombre et les propos tenus en privé à savoir ceux qui sont proférés dans un cadre limité.

- Un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier un licenciement disciplinaire sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail,

Une fois que les propos ont été qualifiés, en l'espèce, la Cour a jugé qu'il s'agissait de propos privés, il convient de vérifier si ces propos ont eu une incidence dans le cadre professionnel.

En l'espèce, la Cour a jugé que la lettre de licenciement n'indiquait pas que les propos tenus par la salariée avaient eu des conséquences sur son emploi ou avec ses collègues ou vis-à-vis des usagers. L'employeur ne démontrait pas non plus que son image publique avait été écornée dès lors que les propos tenus n'avaient pas été divulgués en dehors de la Caisse.

En conséquence, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse. Cass soc 6 mars 2024 n°22-11.016